Accessibilité numérique : ce que la loi impose aux sites professionnels en France

11 décembre 2025

Pourquoi l’accessibilité numérique n’est plus une option ?

En France, plus d’1,5 million de personnes vivent avec un handicap visuel, 6 millions avec un trouble auditif, 12 millions avec une limitation des fonctions motrices ou mentales liées à l’âge ou à la maladie (sources : Insee, Drees). Pourtant, une majorité de sites web restent partiellement — voire totalement — inaccessibles à ces publics. L’accessibilité n’est pas seulement un enjeu éthique ou sociétal, c’est un impératif légal et, pour beaucoup d’acteurs, un prérequis au développement de services digitaux non discriminants.

Depuis 2005, la réglementation française se précise, renforcée par des directives européennes majeures. Aujourd’hui, ignorer ses obligations en matière d’accessibilité expose à des risques juridiques, à une perte de public… et à un déficit d’image qui compte dans l’économie numérique.

Le cadre législatif français et européen : qui est concerné ?

La législation relative à l’accessibilité numérique puise ses racines dans la loi n°2005-102 du 11 février 2005, qui affirme « l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ». Elle a connu plusieurs évolutions notables :

  • Décret n°2019-768 (Juillet 2019) : transpose la directive européenne 2016/2102 sur l’accessibilité des sites web et applications mobiles du secteur public.
  • Loi pour une République numérique (2016) : renforce les obligations pour les entreprises délégataires d’une mission de service public.
  • Directive européenne « European Accessibility Act » : prévoit, d’ici juin 2025, l’extension des obligations d’accessibilité à de nouvelles catégories de services en ligne (banques, e-commerce, livres numériques…)

Aujourd’hui, ces textes définissent précisément qui doit se mettre en conformité :

Type d'entité Obligation actuelle
Administrations, collectivités, services publics OUI (tous sites, outils, applis mobiles)
Entreprises délégataires d'une mission de service public OUI
Entreprises de plus de 250 millions d’€ de CA annuel OUI (depuis 2020)
Entreprises privées < 250M€ CA NON, mais à suivre : la directive européenne 2019/882 (application prévue en 2025) concernera davantage d’acteurs économiques

Si votre site vise le secteur public, l’éducation, la santé ou si votre organisation dépasse les seuils fixés, vous êtes légalement redevable. Pour les autres, la conformité à l’accessibilité va rapidement s’imposer, sous forme d’un standard.

Les exigences concrètes : que doit-on vraiment appliquer ?

L’accessibilité numérique française repose sur le RGAA (Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité), qui s’inspire et adapte le WCAG (Web Content Accessibility Guidelines) international. Le RGAA version 4.1 compte 106 critères de conformité couvrant les points suivants :

  • Accès à l’information pour tous (textes lisibles, images alternatives, sous-titres…)
  • Navigabilité au clavier (indispensable pour les utilisateurs ne pouvant utiliser une souris)
  • Compatibilité avec les aides techniques (lecteurs d’écran, logiciels de navigation vocale, etc.)
  • Structuration correcte du code HTML (titres, listes, formulaires, balises ARIA…)
  • Contrastes de couleurs et choix typographiques adaptés
  • Absence de pièges ou obstacles (capchas inadaptés, contenus non accessibles…)

Une checklist complète, structurée selon le RGAA, est consultable sur le site officiel de l’accessibilité numérique.

Obligations spécifiques pour un site professionnel

  1. Déclaration d’accessibilité : document obligatoire, accessible depuis la page d’accueil, attestant du niveau de conformité au RGAA.
  2. Schéma pluriannuel d’accessibilité : stratégie de mise en accessibilité sur trois ans, mise à jour et suivie annuellement (notamment pour les entités publiques ou assimilées).
  3. Mentions du référent handicap : contact ou formulaire pour signaler les défauts d’accessibilité ou demander une alternative.
  4. Information sur l’accessibilité de certains contenus : lorsqu’un contenu ou une fonctionnalité n’est pas accessible, il faut l’indiquer et fournir, si possible, une alternative.

Le non-respect de ces obligations expose à des sanctions — amendes pouvant aller jusqu’à 25 000€ (articles L. 122-4, L. 122-5, L. 146-4 du Code de l’action sociale et des familles) et risque de naming and shaming via la publication des défaillances sur le site du gouvernement (source : modernisation.gouv.fr).

Accessibilité numérique : comment s’assurer de la conformité ?

Respecter la loi suppose une organisation rigoureuse, dès la conception et à chaque évolution du site. Les étapes clés pour un site professionnel sont :

  • Audit d’accessibilité (interne ou externe) : analyse méthodique du site par rapport au RGAA. À faire pour chaque refonte ou évolution majeure.
  • Mise en conformité technique : correctifs HTML/CSS, optimisation du parcours, ajout de contenus alternatifs, test avec lecteurs d’écran.
  • Validation auprès des publics concernés : tests utilisateurs impliquant des personnes en situation de handicap (audiodescription, navigation sans souris, etc.).
  • Production documentaire : rédaction de la déclaration, du schéma pluriannuel, des pages d’information.

Des outils gratuits et payants existent pour faciliter l’audit :

Mais un audit humain reste incontournable – 80% des erreurs relevées ne sont pas détectables par des robots (source : WebAIM). Les meilleures pratiques : former vos équipes, intégrer l’accessibilité dans les appels d'offres, contractualiser la conformité.

Accessibilité, SEO et expérience utilisateur : convergence ou contrainte ?

Longtemps vécu comme une contrainte, l’accessibilité s’avère être un levier puissant d’amélioration continue, bien au-delà du seul respect de la loi.

  • Un site accessible : meilleure lisibilité, rapidité, conformité mobile — facteurs qui bénéficient au SEO (Source : Google Search Central, 2023).
  • 35% des internautes français de plus de 60 ans déclarent avoir modifié leurs habitudes à cause de l’illisibilité ou de l’inaccessibilité de certains services web (Source : Baromètre OpinionWay 2022).
  • Depuis 2021, Google prend en compte les Core Web Vitals (expérience utilisateur) : une grande partie des critères se recoupent avec l’accessibilité.

Faire de l’accessibilité un réflexe, c’est donc s’assurer un avantage sur le plan du référencement, tout en touchant un public plus large et fidèle.

Anticiper les évolutions de la réglementation : l’Accessibility Act arrive

À partir du 28 juin 2025, le European Accessibility Act imposera l’accessibilité à de nombreux acteurs privés (e-commerce, banques, éditeurs de livres et solutions numériques, transporteurs…). Les sites qui commercialisent des biens ou services à destination de l’UE devront être conformes ou risquer amendes et restrictions d’accès au marché.

À anticiper dès maintenant :

  • Identifier les catégories de produits/services concernés
  • Adapter son processus de développement (accessibilité « by design »)
  • Mettre à jour ses modules e-commerce et de paiement
  • Sensibiliser les prestataires tiers

Les acteurs qui avanceront proactivement sur la question disposeront d’une longueur d’avance dès 2025.

Aller plus loin : ressources pratiques et retours d’expérience

Certaines grandes entreprises françaises (Groupe La Poste, SNCF, Occitanie Data, etc.) publient déjà chaque année leurs bilans d’accessibilité, leurs plans d’action et partagent leur méthodologie en open-source. S’inspirer de ces retours terrain permet de progresser rapidement et d’éviter de nombreux écueils.

Vers une web inclusion globale et durable

L’accessibilité numérique n’est pas une démarche ponctuelle : c’est un engagement continu. Maîtriser et anticiper les exigences légales, c’est s’assurer à la fois de respecter la loi, de consolider son image de marque et de valoriser tous ses utilisateurs. Les enjeux évoluent vite, les outils se démocratisent, et la pression sociale/institutionnelle ne fera qu’aller crescendo. Agir dès aujourd’hui, c’est inscrire la performance digitale dans une démarche plus inclusive, plus pérenne et, in fine, plus innovante.

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